Wednesday, June 6, 2018

Croissance et Emploi au Maroc: Une croissance accompagnée de persistance de sous-utilisation de la main d’œuvre et création d’emplois peu qualifiés


Durant les quinze dernières années, le taux de croissance annuel du produit intérieur brut (PIB), en termes réels, est passé en moyenne de 4,3% à 3,5% entre les deux périodes 1999-2009 et 2010-2016. Le taux de croissance du PIB réel non agricole est passé, quant à lui, de 4,4% à 4,1% entre ces deux périodes. Le niveau de vie de la population, approché par le PIB réel par habitant, s’est amélioré au niveau global. Le PIB réel par habitant s’est presque doublé durant les quinze dernières années  pour se situer à 29 464 dirhams en 2016 ; un niveau qui classe le Maroc parmi les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure selon la Banque Mondiale.
Sur le plan sectoriel, l’économie nationale a enregistré une transformation de sa structure de production vers, principalement, le secteur tertiaire ; en particulier avec le développement des branches des télécommunications et des services financiers. Au total, la part de la valeur ajoutée des activités tertiaires a progressé de 53,6% à 60,9% entre les deux périodes devant le recul de l’importance des activités primaires dans le tissu économique.
En dépit de ces performances, le Maroc enregistre des déficits lourdes sur le marché du travail marqués par la sous-utilisation de la main d’œuvre, la prépondérance de la main d’œuvre peu qualifiée, le niveau du chômage élevé des jeunes et des diplômés, et, le dernier mais non le moindre, le poids économique des activités informelles. Ces déficits pourraient impacter, significativement, la compétitivité de l’économie nationale et affaiblie son intégration dans les chaines de valeurs internationales.
A cet égard, le degré de participation de la population à l’activité économique, mesuré par le taux d’activité, est marqué par une tendance baissière depuis 1999. Cette tendance affaiblit davantage la situation de la femme sur le marché du travail, marquée par une participation trois fois moins que celle enregistrée chez les hommes. En 2015, seules 24,8% des femmes adultes (15 ans et plus) sont sur le marché du travail. Ce constat place le Maroc en deçà de la moyenne des pays à revenu intermédiaire de tranche inférieure, dont le taux d’activité des femmes est d’environ 40%, et aussi l’un des pays caractérisés par un faible taux d’activité féminin dans la région MENA.  


S’agissant des emplois crées depuis 1999, ils sont en majorité peu conformes aux normes du travail décent. A cet égard, l'emploi non rémunéré représente encore 22,5% de l'emploi au niveau national, et 41,6% en milieu rural. Malgré la progression du salariat de 40,4% en 1999 à 46,3% en 2015 au niveau national, près de deux tiers des salariés travaillent sans aucun contrat. Telle situation est marquée avec acuité dans les secteurs de l'agriculture (92,2%) et du BTP (92,1%). Au plan de la couverture médicale, près de huit actifs occupés sur dix en 2015 (79,1%) ne sont pas couverts contre 86,9% en 2000. Pour les salariés, cette proportion atteint 58,7% en 2015 contre 66,8% en 2000.

L’un des traits saillants de l’emploi est la faible qualification. 61,2% des actifs  occupés sont sans diplôme en 2015 contre 73,7% en 2000. Les détenteurs d’un diplôme de niveau moyen[1] représentaient 27,1% et ceux de niveau supérieur[2] 11,6% (contre respectivement 18,2% et 8,1% en 2000). Selon les secteurs, la part des non diplômés passe en 2015 de 42% dans les services, à 51,2% dans l’industrie, à 63,4% dans les BTP pour atteindre 83,5% dans l'agriculture.
A ce portrait, s’ajoute la persistance du sous-emploi[3] parmi les actifs occupés. La part des actifs occupés sous-employés est de 10,8% en 2015. Cette proportion cache des disparités entre secteurs d’activité économiques ; elle est de 16,9% dans le secteur des BTP, 10,8% au niveau de l'agriculture, forêt et pêche, 10,1% dans les services et de 8,2% au niveau du secteur de l'industrie y compris l’artisanat.
La croissance économique du Maroc durant les quinze dernières années n’a pas favorisé l’intégration de la femme à l’emploi. Elle est plus exposée au chômage que l’homme (leur taux de chômage est de 10,5% contre 9,4% en 2015), particulièrement en milieu urbain (21,7% contre 12,6%), parmi les jeunes citadins (49,9% contre 35%) et parmi les diplômés (24,1% contre 15,3%).




[1] Les diplômes de niveau moyen regroupent les certificats de l'enseignement primaire, ceux du secondaire collégial et les diplômes de qualification ou de spécialisation professionnelle.
[2] Les diplômes de niveau supérieur regroupent les baccalauréats, les diplômes de techniciens ou de techniciens   spécialisés et les diplômes d'enseignement supérieur (facultés, grandes écoles et instituts).
[3] Le sous-emploi représente l’une des principales composantes de la sous-utilisation de la main d’œuvre. Il permet de renseigner sur les actifs occupés qui travaillent moins longtemps ou de façon moins productive qu’ils ne seraient en mesure et désireux de le faire.